Le premier souhait du Seigneur ressuscité à ses disciples, c’est la paix. Lorsqu’il les revoit le matin de Pâques, après l’épreuve de la Passion, Jésus leur donne avant tout sa paix. Mais il les avait prévenus que ce n’est pas à la manière du monde qu’il la leur donne (cf. Jn 14, 27). Car la paix qu’il donne n’est pas celle, faite de calculs, assortie de conditions, non dénuée d’intérêts, que négocient les puissants de ce monde et qui, pour cela, ne tient pas, parce qu’elle ne repose ni sur la justice ni surtout sur l’amour.
Il y a bientôt soixante ans, alors qu’il était sur le point de s’achever, le concile Vatican II, dans sa Constitution pastorale sur l’Eglise dans le monde de ce temps, affirmait que « la paix ne peut être obtenue sur terre sans que soit assurée la sécurité pour le bien des personnes et sans que les hommes puissent communiquer entre eux, de façon spontanée et confiante, les richesses de
leur esprit et de leurs dons innés. La ferme volonté de respecter les autres hommes et les autres peuples ainsi que leur dignité, la pratique assidue de la fraternité, sont absolument nécessaires pour construire la paix. Ainsi la paix est elle aussi le fruit de l’amour, qui va au-delà de ce que la justice peut apporter » (n° 78).
La paix que Jésus donne est la vraie paix, et elle est solide et durable, parce qu’elle est le fruit de l’amour, du grand amour dont il nous a aimés et qui l’a poussé à donner sa vie pour nous réconcilier avec Dieu et entre nous. On pourrait assez facilement dire de la paix que Jésus donne ce que saint Paul dit de l’amour : elle ne cherche pas son intérêt ; elle n’entretient pas de rancune ; elle ne se réjouit pas de ce qui est injuste, mais elle trouve sa joie dans ce qui est vrai ; elle supporte tout (cf. 1 Co 13, 57).
Alors que les puissants tâtonnent dans leur recherche d’une paix qui obéisse à la logique du donnant donnant, et semblent même vouloir la guerre plus que la paix, il serait temps de se rappeler la leçon toujours actuelle du concile qui avait prévenu que si « on ne conclut pas des pactes solides et honnêtes portant sur une paix universelle pour l’avenir, l’humanité, qui se trouve déjà en grand danger, en viendra, peut être, malgré la science admirable dont elle dispose, à cette heure funeste où elle ne fera l’expérience d’aucune autre paix que de la paix horrible de la mort. » Mais le concile s’était empressé d’ajouter que, « tout en tenant ces propos, l’Église du Christ, vivant au milieu des angoisses de ce temps, ne cesse d’avoir une espérance pleine d’assurance » (n° 82).
Jésus lui même d’ailleurs, après avoir dit à ses disciples qu’il ne leur donne pas sa paix à la manière du monde, les a invités à ne pas être bouleversés ni effrayés, et son souhait de paix, le matin de Pâques, s’accompagne de l’invitation à être sans crainte.
Alors que les puissants parlent plus de guerre que de paix, et jouent avec la peur, le Seigneur ressuscité, selon les paroles d’un chant, « nous confie le mot de “paix” quand va le monde au bruit des armes », pour qu’on en soit les artisans, et nous invite plus que jamais à être sans
crainte et à avoir une espérance pleine d’assurance qui n’a rien de naïf, mais qui croit que l’improbable peut advenir, comme aime à le constater un témoin depuis plus d’un siècle des bouleversements du monde, Edgar Morin.
Joyeuses fêtes de Pâques à tous, et que la paix soit avec vous !